Les nuits blanches du Gecko

Une vie 
 
La nuit était déjà tombée depuis longtemps. Il devait être deux ou trois heures du matin et une petite pluie fine tombait
sur le toit de la maison de ma grand-mère. C'est une musique particulière,
la pluie sur les palmes de cocotier, qui se rassemble pour finir en goutte à goutte dans les grandes jarres,
dehors. Je me suis réveillée et je n'arrivais pas à vraiment dormir.
La couverture dans laquelle je m'étais enroulée était si ancienne et rapiécée qu'il était bien difficile de reconnaître le tissu d'origine.
Je me suis retournée sur le lit qui a gémi comme un vieil homme sous le poids des courbatures.
Grand-mère soupire souvent quand elle cherche aussi une position qui lui convient.
Parfois, elle vient chercher ma main, puis la serre doucement.
« Tu ne peux pas dormir, n'est-ce pas, Grand-Mère.
- Oui... Tu sais, la nuit, il me revient les histoires du passé… »
Elle m'a récité un petit poème que j'aime beaucoup. Je l'ai répété et on a ri ensemble.
Je ne viens pas souvent la voir à Vang Quoi. Mon travail à Saigon ne me permet pas de visiter ma famille chaque week-end.
Grand-mère vit seule et m'a souvent raconté les histoires de sa vie,
ses amours, ses déceptions et son enfance quand elle était la petite Thuy.
A dix ans, comme d'autres enfants, elle commençait comme employée pour une riche famille qui soutenait la colonisation française.
Sa sœur et elle n'étaient pas bien traitées et mal nourries malgré leur travail journalier.
Elle m'avait souvent montré son doigt qui avait été coupé en voulant se protéger du fouet qui devait la punir...
 
 

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